mardi 24 janvier 2012


Moscou, 2012. Nous sommes partis de Québec lourds de bagages mais le cœur léger, impatients mais paisibles, comme deux toiles blanches dans l’attente d’une peinture. À l’aéroport, l’avion nous ouvre grand ses ailes : Montréal, Bruxelles, bientôt la Russie… Les frontières, invisibles, défilent en dessous de nous tels les tracés d’un globe terrestre sous le doigt. À dix mille mètres d’altitude, loin de la terre et des hommes, nous ne voyons des villes que les lumières diffuses  — ce sont des constellations dans le lointain. De cette hauteur où nous sommes assis, voyager est encore impossible : nous nous déplaçons, simplement. Nous nous déplaçons, à des années-lumière de la terre, à travers des pays où nous ne rencontrons que la froidure de l’air et la présence fantomatique des nuages.

Il nous semble alors que le déplacement est l’inverse du voyage, ou plutôt son omission : il joint deux points qui dans l’espace sont séparés, sans considération pour l’étendue qui les unit. Il est un trajet, une course, un mouvement, et en même temps leur négation. De l’autre côté du hublot se dessine un portrait minuscule, à peine perceptible, des contrées lointaines au-dessus desquelles nous nous déplaçons. Le voyage, quant à lui (celui que nous espérons vivre et partager avec vous), loge au plus près de la terre et des hommes. Il est la pleine affirmation du mouvement — sa maturation, sa fixation dans la chair. C’est une proximité, mais qui procède, singulièrement, de la distance qui fonde le voyage. Nous pensons, en bons russophiles, que sa logique s’apparente à celle de la perspective inversée (un élément caractéristique des icônes, ces images religieuses de la tradition orthodoxe) : sur le tableau, ce sont paradoxalement les objets éloignés de l’observateur qui vont s’élargissant. On dit ainsi que l’icône est une fenêtre ouverte sur l’éternité, c’est-à-dire sur le monde céleste, dont la constitution est profondément étrangère au monde terrestre en même temps qu'accessible à celui qui la contemple.

Quittant maintenant ces considération métaphysiques, nous ne vous demandons pas, à la lecture de nos impressions, d’embrasser votre écran ni de l’entourer de fleurs fraîches (même si… vous pouvez !). Simplement, il nous semble que c’est précisément (ou plutôt, disons, que c’est métaphoriquement) la manière dont fonctionne ce petit blogue : plutôt que la peinture d’un monde divin, il s’agit une fenêtre ouverte sur un autre monde, qui est le nôtre. C’est une fenêtre ouverte sur des visages lointains et, à la fois, très proches. C’est une fenêtre qui s’ouvre vers  nous, mais qui, en même temps, est orientée… vers vous.

 Julien et Élise


1 commentaire:

  1. Wow!
    C'est super! Mais pas autant que vos écrits!
    Je suis flabergastée ....pour parler russe......

    Bisous à la russe(c'est comment?)

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