mardi 24 décembre 2013

24 décembre en Russie

Salut la compagnie !!

Dans une heure ou deux je serai déjà en train de manger du hareng, des patates à la crème sure et de la salade de sarrasin à l'étage au-dessus, avec quelques expatriés des partys de famille des quatre coins du monde. Mais pour l'instant, une petite entrée sur le blog, pour célébrer. Ça fait déjà quelques jours que mes principales recherches sur Youtube portent sur Nat King Cole, Carol of the bells et "Ginette Reno chante Minuit Chrétien". On n'est jamais plus dans l'esprit de Noël et des traditions du terroir que lorsqu'on est justement pas plongé dedans... C'est "L'ironie du destin", d'après le titre d'un film de Noël culte de l'époque soviétique. Parlant de film de Noël culte, j'ai eu l'occasion de me retaper "Le père Noël est une ordure" avec des Français et des Belges, et je peux dire que ça s'améliore avec les années, comme la fameuse boisson.
Bref, ici, une chance qu'ils forcent sur les décorations de Noël (vous devriez voir le hall du pavillon des résidences, c'est plus illuminé que la Place Rouge), parce que le Noël blanc se fait attendre (faut dire que le Noël orthodoxe est seulement dans 15 jours). Il fait 4 degrés, le gazon est vert et même les grosses flaques de sloche sont disparues. Ça a ça de bon!
Mon but principal n'étant pas de parler de la température dans cette entrée, je passe tout de suite au plat de résistance: mon aventure du 22 au soir.
Dimanche, 18h40. Julien (que vous connaissez déjà, même s'il n'écrit pas souvent sur le blog...), Martin, Claudia (des compatriotes québécois) et moi nous dirigeons vers le théâtre Satiri, place Mayakovski. On est légèrement en retard pour notre pièce (intitulée "Rencontres inoubliables"...) et on marche d'un bon pas à travers le trafic quand Martin reçoit un appel du Québec. C'est Tatiana Mogilevskaya, notre professeure de russe et directrice du Centre Moscou-Québec. Martin hoche la tête en ajoutant des "Oui Tania. D'accord. Kharacho (bien), oui oui, ok" depuis un bon 10 minutes, et on ne sait toujours pas ce qui se passe. En raccrochant, il nous lance, avec un sourire en coin: "Les amis, on a une mission". Voici en quoi elle consiste (et nous l'acceptons avant même qu'il nous en explique les modalités, bien sûr : ça vient de Tania) : on doit partir à l'entracte de notre spectacle, se rendre à l'autre bout de la ville, au Théâtre des Nations, où Robert Lepage présente ce soir à Moscou la première de sa version d'Hamlet, avec Evgéni Mironov en solo. Il faut arriver avant la fin de la pièce, avec des fleurs, des livres, des chocolats, des cartes de félicitations en russe et en français. Ensuite, se rendre jusqu'à M. Lepage (je cite ici Tania: "Ils ne vous laisseront pas passer, ils diront que c'est impossible. Il faut passer quand même."), lui remettre tous les cadeaux, faire une entrevue avec lui, noter les réponses, prendre une photo professionnelle (appeler une certaine Julia, l'attachée de presse russe de M. Lepage), lui serrer la main, et la rappeler pour lui raconter. Elle dit: "Dites que vous êtes des journalistes québécois et que vous travaillez pour la revue Chameaux. Martin, lui, dira qu'il est un écrivain célèbre au Québec" (c'est vrai que Martin a publié deux livres, mais ça nous semble quand même assez audacieux comme plan...).
La première partie du plan fonctionne à merveille: à l'entracte, on récupère nos manteaux, on file dans le métro, on trouve le théâtre, un fleuriste ouvert (il y en a partout, et c'est 24h sur 24, alors ça, ce n'était pas le plus difficile dans l'histoire), on achète les deux plus gros bouquets qu'ils ont (c'était le jack pot pour le fleuriste, vraiment): Tania avait dit : "Les fleurs, c'est très important. Faut pas lésiner. Je rembourse tout." Quand Martin, un peu plus tard, lui donne le prix des fleurs, elle ajoute: "Écoutez, Martin, sans les artistes comme Robert Lepage, on ne pourrait pas vivre ! Alors tant que les fleurs sont belles, c'est parfait!" On entre chez un chocolatier, on les convainc de nous vendre des cartes de souhaits, on leur demande de l'aide pour l'orthographe du message en russe, et on repart dans la bruine vers le théâtre. Il est moins 10... À l'entrée principale, on se fait refouler. On s'explique avec les gardiens, et une jeune femme nous redirige vers la sortie des artistes. Pendant que Martin essaye encore sans succès de contacter la fameuse attachée de presse russe, on s'explique avec un, deux, trois responsables, tous sur leur 31 (et nous, avec nos bottes pleines de calcium, on essaye d'attirer l'attention sur les bouquets de fleurs...). On nous répète que c'est impossible. Partout où on tente de se frayer un chemin, la porte se ferme... Finalement, on parle à une certaine Ekaterina, qui nous assure qu'elle va parler à Lepage à la fin du spectacle, et lui demander si c'est bien vrai qu'il avait rendez-vous avec une "délégation de journalistes du Centre Moscou-Québec".... On avait un peu poussé le bouchon... "Êtes-vous inscrits sur la liste des rencontres avec les médias?" "Oui oui, demandez à Julia..." Ils nous font attendre dans le resto super chic du théâtre. N'en pouvant plus, Martin finit par demander... où sont les toilettes ? Martin partit, la serveuse pouffe de rire et essaye de garder contenance en nous faisant dos. C'est à ce moment qu'on voit s'avancer vers nous un bel Arménien en costard bleu: "Vous venez de la part de Tatiana ?" C'est gagné! Deux minutes plus tard, Robert Lepage lui même sort des coulisses (en même temps que Martin qui revient des toilettes presque en courant) : "Vous vouliez me parler?" Il nous invite à nous assoir au restaurant pour faire l'entrevue. Gentil, intéressé, généreux, décontracté, Robert répond à nos questions et nous en pose à son tour. Notre couverture devient inutile: "Alors, vous êtes tous des étudiants à Moscou?" On lui avoue même à un certain moment qu'on a pas vu la pièce... et c'est là qu'il relève ses non-sourcils, étonné: "Mais là...! Il faut voir la pièce..." On lui avoue, penauds, qu'il y a une heure on ne savait pas qu'on allait venir le rencontrer, et ça le fait sourire. À la fin, le bel Arménien revient : "Écoutez, vous devez partir maintenant, Robert a des rendez-vous..." On prend une photo à l'arrache avec mon appareil (la fameuse Julia ne s'étant jamais pointée), on sert la main de Robert... et on éclate tous de rire. On l'a fait ! C'est avec une immense satisfaction qu'on a pris notre verre de vin ce soir là, en recopiant de mémoire les réponses de Lepage !
Alors voilà pour l'histoire de Robert Lepage... Je m'en vais fêter au 9e !

Amitiés !!

xxx Élise

P.S. J'ai pris quelques photos ces derniers jours, je vais en ajouter bientôt sur le blog: restez à l'affût !
P.P.S. Remarquez, derrière Robert Lepage, il y a un portrait autographié de Tchékhov!


1 commentaire:

  1. C'est malade !!! Enfin une entrevue chamelesque avec Robert Lepage - ahahah!
    Fêtez bien et à bientôt sur skype???
    -Jeanne

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