jeudi 1 mai 2014

De l'amitié entre les peuples

Chers amis,

Une dernière, peut-être avant-dernière entrée sur ce blogue avant le grand retour dans la vallée du Saint-Laurent.
Je voudrais vous dire qu'il existe, à l'Université des Sciences Humaines de Moscou, non seulement le Centre Moscou-Québec grâce auquel nous avons pu, Julien et moi, passer 14 mois en Russie à étudier gratuitement, mais un groupe de chercheurs sur la culture québécoise. Récemment a eu lieu la Table ronde annuelle du Centre, où ont pu présenter 12 spécialistes du Québec devant un public assez fourni, selon bien sûr les normes de ce genre d'événement.
Le responsable de la Délégation du Québec à l'ambassade du Canada en Russie est venu ouvrir la séance en nous expliquant la nature de son travail et de celui de ses collègues au Ministère des Relations internationales du Québec. L'ambassadeur du Canada ayant été rapatrié par sa Majesté Stephen Harper pour faire fâcher Vladimir Poutine, histoire de s'assurer vraiment que la diplomatie internationale ne serve à rien, M. le délégué du Québec Nicolas Fresne s'est tapé tout seul l'organisation de la Cabane à sucre pour les Journées de la Francophonie, et a même eu le temps de venir présider notre Table ronde. L'ont succédé M. Kormarov et sa présentation sur les élections parlementaires au Québec en 2012, Mme. Maximova qui a présenté ses résultats de recherche sur l'évolution des relations des Premières Nations avec l'administration provinciale, M. Blais, sur le système d'attribution du statut de réfugié au Canada et en Russie, Mme. Kourenkova sur le peuplement du grand Nord, Mme Issaeva sur les toponymes québécois associés aux lieux "maudits", Mme Martinova qui présentait une étude comparative du rôle joué par le théâtre à l'époque de la Révolution tranquille au Québec et dans les années 60 en France, M. Monovtsov sur le système d'attribution des prix dans l'industrie cinématographique québécoise, une présentation sur l'écrivain Sergio Kokis par Mme Dakhina, et pour finir, deux présentations données par des collègues étudiants québécois (sur les prix littéraires au Québec et sur l'émeute succédant à l'éviction de Maurice Richard au Forum).
Je vous parle de cela en long et en large dans l'espoir de créer chez vous le même sentiment de surprise et de reconnaissance d'abord, puis de gêne et de malaise, qui m'ont envahie au cours de cette journée. Car les Russes qui s'intéressent au Québec et à la culture québécoise sont nombreux, et c'est vraiment un honneur exceptionnel que de se faire parler, en russe, des grands enjeux de notre propre culture, quand on est à l'autre bout du monde. Cet intérêt, ce respect pour la culture québécoise est inespéré. Juste à titre de comparaison, il n'y a pas, à l'Université Laval, de programme d'étude complet offert sur le monde slave, en dehors du Certificat en études russes dirigé par M. Sadetsky. Et vous admettrez que le monde slave est pas mal plus grand et plus vieux que le Québec.
Il y a, ici, le dernier Xavier Dolan sous-titré au cinéma, un fan club de Robert Lepage, un concert de Kent Nagano à la salle Tchaïkovski, et pas un des Russes que nous avons rencontré qui s'étonne qu'on puisse parler français au Canada.
J'ai bon espoir que ces efforts, que cette curiosité, que cet échange culturel véritable, au-dessus de la mêlée médiatique démagogique qui incite chaque jour à la peur, à la haine, au mépris des Russes et de leur culture, porte ses fruits.

Quand on est sûr d'avoir raison, on est certain d'avoir tort.

***

Un dernier mot pour ajouter que, parmi toutes les présentations données lors de cette Table ronde, celle de M. Kormarov a été particulièrement révélatrice.
Comme vous le savez, les langues ne sont pas interchangeables. Les traîtres-traducteurs traînent leur petit nuage de mauvaise conscience, et ce n'est pas pour rien. Et non seulement les langues elles-mêmes ne permettent pas de dire exactement la même chose, mais bien souvent, l'usage de la langue vient avec la maîtrise d'un réseaux de discours qui résonnent dans cette langue (pour des raisons sociales, historiques, géographiques, etc.) et qui ne résonnent pas, ou qui résonnent différemment, dans d'autres langues. Ça mène à des malentendus fâcheux.
On a un M. Kormarov qui présente sa thèse selon laquelle les journalistes couvrent mal les élections au Québec en raison de leur obsession pour la question référendaire. Seulement, M. Kormarov ne parle pas français, et ne lit pas les journaux francophones. Il lit donc les médias anglophones pour s'informer des élections provinciales québécoises. Le portrait qu'il en tire est donc, je pense que vous serez d'accord, assez biaisé, voire inexact ou tronqué.
Maintenant, je me pose la question.... Combien de journalistes de Radio-Canada, de TVA, du Devoir, de la Presse connaissent le russe ? et l'ukrainien ?
N'y aurait-il pas un parallèle à faire...?

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