samedi 3 mai 2014

Есть ли...

Ce soir, je cuisine géorgien avec les amis étudiants étrangers. Tchakapouli, khachapuri, aubergines à la pâte de noix, etc. Je fais donc des recherches sur internet pour compléter les infos recueillies en Géorgie auprès de Maïa.
Je cherche, dans Yandex (l'équivalent russophone de Google), "есть ли", qu'on peut traduire par "est-ce qu'...", en voulant compléter avec "on peut acheter du fromage sulgouni à Moscou ?"

Les premiers résultats qui me sont proposés pour compléter ma recherche sont les suivants :

Est-ce qu'...
Est-ce qu'il y a une vie après la mort ?
Est-ce que Dieu existe ?
Est-ce que les pingouins ont des genoux ?

Les moteurs de recherche : merveilleux outil de découverte des principales interrogations humaines.

Kargad !

Élise

jeudi 1 mai 2014

De l'amitié entre les peuples

Chers amis,

Une dernière, peut-être avant-dernière entrée sur ce blogue avant le grand retour dans la vallée du Saint-Laurent.
Je voudrais vous dire qu'il existe, à l'Université des Sciences Humaines de Moscou, non seulement le Centre Moscou-Québec grâce auquel nous avons pu, Julien et moi, passer 14 mois en Russie à étudier gratuitement, mais un groupe de chercheurs sur la culture québécoise. Récemment a eu lieu la Table ronde annuelle du Centre, où ont pu présenter 12 spécialistes du Québec devant un public assez fourni, selon bien sûr les normes de ce genre d'événement.
Le responsable de la Délégation du Québec à l'ambassade du Canada en Russie est venu ouvrir la séance en nous expliquant la nature de son travail et de celui de ses collègues au Ministère des Relations internationales du Québec. L'ambassadeur du Canada ayant été rapatrié par sa Majesté Stephen Harper pour faire fâcher Vladimir Poutine, histoire de s'assurer vraiment que la diplomatie internationale ne serve à rien, M. le délégué du Québec Nicolas Fresne s'est tapé tout seul l'organisation de la Cabane à sucre pour les Journées de la Francophonie, et a même eu le temps de venir présider notre Table ronde. L'ont succédé M. Kormarov et sa présentation sur les élections parlementaires au Québec en 2012, Mme. Maximova qui a présenté ses résultats de recherche sur l'évolution des relations des Premières Nations avec l'administration provinciale, M. Blais, sur le système d'attribution du statut de réfugié au Canada et en Russie, Mme. Kourenkova sur le peuplement du grand Nord, Mme Issaeva sur les toponymes québécois associés aux lieux "maudits", Mme Martinova qui présentait une étude comparative du rôle joué par le théâtre à l'époque de la Révolution tranquille au Québec et dans les années 60 en France, M. Monovtsov sur le système d'attribution des prix dans l'industrie cinématographique québécoise, une présentation sur l'écrivain Sergio Kokis par Mme Dakhina, et pour finir, deux présentations données par des collègues étudiants québécois (sur les prix littéraires au Québec et sur l'émeute succédant à l'éviction de Maurice Richard au Forum).
Je vous parle de cela en long et en large dans l'espoir de créer chez vous le même sentiment de surprise et de reconnaissance d'abord, puis de gêne et de malaise, qui m'ont envahie au cours de cette journée. Car les Russes qui s'intéressent au Québec et à la culture québécoise sont nombreux, et c'est vraiment un honneur exceptionnel que de se faire parler, en russe, des grands enjeux de notre propre culture, quand on est à l'autre bout du monde. Cet intérêt, ce respect pour la culture québécoise est inespéré. Juste à titre de comparaison, il n'y a pas, à l'Université Laval, de programme d'étude complet offert sur le monde slave, en dehors du Certificat en études russes dirigé par M. Sadetsky. Et vous admettrez que le monde slave est pas mal plus grand et plus vieux que le Québec.
Il y a, ici, le dernier Xavier Dolan sous-titré au cinéma, un fan club de Robert Lepage, un concert de Kent Nagano à la salle Tchaïkovski, et pas un des Russes que nous avons rencontré qui s'étonne qu'on puisse parler français au Canada.
J'ai bon espoir que ces efforts, que cette curiosité, que cet échange culturel véritable, au-dessus de la mêlée médiatique démagogique qui incite chaque jour à la peur, à la haine, au mépris des Russes et de leur culture, porte ses fruits.

Quand on est sûr d'avoir raison, on est certain d'avoir tort.

***

Un dernier mot pour ajouter que, parmi toutes les présentations données lors de cette Table ronde, celle de M. Kormarov a été particulièrement révélatrice.
Comme vous le savez, les langues ne sont pas interchangeables. Les traîtres-traducteurs traînent leur petit nuage de mauvaise conscience, et ce n'est pas pour rien. Et non seulement les langues elles-mêmes ne permettent pas de dire exactement la même chose, mais bien souvent, l'usage de la langue vient avec la maîtrise d'un réseaux de discours qui résonnent dans cette langue (pour des raisons sociales, historiques, géographiques, etc.) et qui ne résonnent pas, ou qui résonnent différemment, dans d'autres langues. Ça mène à des malentendus fâcheux.
On a un M. Kormarov qui présente sa thèse selon laquelle les journalistes couvrent mal les élections au Québec en raison de leur obsession pour la question référendaire. Seulement, M. Kormarov ne parle pas français, et ne lit pas les journaux francophones. Il lit donc les médias anglophones pour s'informer des élections provinciales québécoises. Le portrait qu'il en tire est donc, je pense que vous serez d'accord, assez biaisé, voire inexact ou tronqué.
Maintenant, je me pose la question.... Combien de journalistes de Radio-Canada, de TVA, du Devoir, de la Presse connaissent le russe ? et l'ukrainien ?
N'y aurait-il pas un parallèle à faire...?

mercredi 16 avril 2014

La profondeur

Il y a deux ans, à peu près à cette époque de l'année, j'étais assise dans un fauteuil très semblable à celui où je me repose à cette minute en vous écrivant, installée dans une chambre très semblable à celle où mon fauteuil prend place, deux étages plus bas, dans un immeuble en tout point identique à celui où j'habite (peut-être, à l'époque, un peu moins défraîchi. Quoique...).
Notre compatriote québécois Maxime nous avait proposé, avant son départ, de nous interviewer un à un sur le sujet de notre séjour à Moscou. Il voulait faire un mini-documentaire sur l'échange Moscou-Québec au profit des futurs participants, et je ne sais pas d'ailleurs si le projet a vu le jour. Je l'espère. Mais si aujourd'hui je me rappelle Maxime et son interview, c'est parce qu'il m'a permis de me rendre compte, aujourd'hui même, qu'à travers les jugements, les observations, les analyses, les préjugés, les découvertes, les inconforts, les coups de coeur et les coup de gueules avec lesquels je me suis débattue au cours de mes 14 mois de vie en Russie en deux ans, il y a une constante. Une évidence qui m'était apparue quand Maxime m'avait, en avril 2012, posé la question: "Quelle est ton impression par rapport à la Russie ?".  Hum ! ... La profondeur.
Comment l'expliquer ? La profondeur des êtres, de la langue, de l'histoire, de la culture, de l'expérience, du choc aussi, peut-être de la prise de conscience.
La rivalité russo-occidentale, si effrayante et pénible qu'elle soit, surtout (?) ces temps-ci, apporte son lot de remarques pertinentes sur l'humanité.
Les Russes se plaisent à dire, c'est presque un cliché ici, que les Occidentaux sont polis et superficiels, alors que les Russes sont authentiques et profonds. Ce n'est pas faux, il me semble. Ils la ramènent souvent quand on les critique à propos de leur côté parfois revêche, de leur "problème" avec le sourire (pour ne pas dire, en bon Québécois, leur air bête). "Ah, oui, le sourire automatique, frivole des Occidentaux. Non, nous, nous sommes honnêtes, francs. On ne sourit pas comme ça, sans raison." La superficialité occidentale, c'est donc, si on veut leur renvoyer la monnaie de leur pièce, aussi pas mal de gaieté et d'ouverture, alors que l'authenticité et la profondeur russe peuvent être interprétées comme de jolis prétextes pour être de mauvaise humeur impunément, et pour entretenir une certaine méfiance envers les inconnus.
Ces remarques sur la supposée "nature" des peuples peuvent bien sûr être transformées en insultes et en promotion de notre propre culture en moins de deux ! De quelque "côté" qu'on soit. (Étrange, d'ailleurs, qu'on divise comme ça le monde en "côtés"). On dépasse rarement ce stade (dans les journaux les plus "sérieux", d'ailleurs). N'empêche, il y a, comme on dit, "un fond de vérité" là-dedans (si elle n'est pas cachée dans l'opinion, où est donc la vérité ?).

Les Russes, donc, sont profonds.

Exemple.

Le mercredi soir j'enseigne le français à un groupe de six étudiantes russes, ici, à notre université d'accueil. Avant chaque séance, je dois aller chercher la clé du local à un petit poste de "dispatch" (comme ils disent en russe, comme quoi on n'est pas les seuls à être menacés par l'hégémonie de la langue anglaise). La maîtresse des clés fait partie de la classe dominante de la société russe, c'est-à-dire des "babouchkas", ces dames d'un certain âge, souvent assez avancé, coiffées le plus souvent d'un chignon bien roulé et d'une frange bien crêpée, aux grands châles, au fard à paupière surprenant et aux remarques assassines (il y en a des gentilles, aussi). Elles occupent tous les postes de garde-robe, caissière de musée, de théâtre, de supermarché, de préposée au kiosque d'information, de surveillance des salles de musée, et on les retrouve aussi très souvent dans l'administration. Leur mine sévère révèle souvent une gentillesse étonnante, tout comme leurs sempiternels conseils, avertissements et mises en garde ne sont souvent pas plus effrayants que les douces remontrances d'une affectueuse grand-mère. Malgré leur tendance à éveiller en nous un sourd désir de rébellion, elle semble tenir le pays sur leurs épaules rondes et fatiguées.
Donc, la dispatcheuse, derrière son comptoir, doit à chaque mercredi soir me donner la clé du local où j'enseigne et me faire répéter mon nom quelques fois, puis l'épeler. Ce soir, alors qu'elle recopiait la translittération cyrillique de mes deux noms de famille dans son grand livre à la couverture de cuir, mon regard fut attiré par un élément nouveau sur le comptoir, d'ordinaire si lisse et sans intérêt. Un bibelot. Un bibelot jaune et bleu en plastique, présentant la forme de deux dauphins s'amusant dans une vague, leurs nez se touchant et leurs corps créant la forme d'une courbe sinueuse, comme on en voit au centre des symboles de yin yang. Le bibelot était rempli d'un liquide transparent et visqueux et de petites bulles de liquide jaune, amassées au fond. J'ai dit "А что это такое ?" ("Et quessé ça ?)
La dispatcheuse a immédiatement relevé le nez de son grand livre, avec l'air d'avoir attendu toute la journée qu'on lui pose la question. "Ah ! C'est spécial, hein ? Je vous explique. En fait, mieux, je vous montre. Regardez ça." Elle s'est même levée de sa chaise pour prendre le bibelot et s'approcher de moi, pour que je vois mieux, que j'assiste au tour de magie. "Je le tourne à l'envers, et voilà!" En effet, les petites bulles jaunes remontent une à une, à la queue leu-leu, la courbe sinueuse, en passant par le point central où se rejoignent les nez des dauphins, pour s'amasser à l'autre extrémité. Le tout lentement, harmonieusement, de manière égale et mesurée. "Ça détend, hein ? C'est fait pour se détendre. On regarde ça et ça apaise. (Pause, on regarde toutes les deux les bulles jaunes faire leur ascension cordée.) Même que ça va encore trop vite, je trouve. Ça pourrait être plus lent", dit-elle avec une pointe de dépit, en replaçant son bibelot. Je dis : "Да, уже слишком быстро !" (Oui, ça va déjà trop vite !). Elle me dit, contente que je m'accorde avec elle : "Ça nous enseigne plusieurs choses. D'abord, à ralentir, à apprécier le temps qui passe. Et quand on le retourne, ça va dans l'autre sens. Ça veut dire que rien n'est éternel, qu'on peut tout changer, remettre à sa place. Rien n'est immuable. (Elle a fait une pause, ici, avant d'ajouter) : sauf la mort."
Elle m'a fait un sourire, qui, suivant la logique russe, devait être sincère. Et elle m'a donné mes clés.

samedi 1 mars 2014

Saqartvelo 3/3 - Kutaïsi et le bas Caucase

Revenons en Géorgie, retournons-y une dernière fois et mettons la dernière (?) touche au portrait.

En revenant de Mestia dans une marchroutka sans chauffage à -10 degrés, nous sommes arrêtés à Zugdidi. Qu'avons-nous vu à Zugdidi ? Principalement, le masque funéraire de Napoléon. Nous avons vu deux masques funéraires en Géorgie: celui de Napoléon et celui de Staline. Deux pseudo-empereurs qui ont changé le monde en tuant des milliers de personnes, et dont on expose les vêtements, les lettres, les masques funéraires, pour célébrer une sorte de culte historique. Ça m'est incompréhensible. Mais je suis allée pareil.
Portrait de Staline décorant un débit de "tchatcha", au marché de Tbilissi
Nous sommes rapidement repartis vers Kutaïsi, la deuxième plus grande ville de Géorgie, en fait une toute petite ville dont le centre-ville vient d'être en grande partie refait à neuf. La ville, jusqu'à récemment, était apparemment encore plongée dans un "malaise post-soviétique", d'après l'expression du Lonely P.
La Géorgie, avant le 11e siècle, était divisée en deux régions, ou royaumes, je ne sais plus très bien. À l'ouest, la Colchide, et à l'est, l'Ibérie (pas l'Ibérie des Ibères d'Espagne, mais une autre). La Colchide, oui, la Colchide où sont partis Jason et les Argonautes à la recherche de la toison d'or. La Colchide, d'où Jason a justement ramené Médée la sorcière, la magicienne, l'infanticide (Médée, d'après laquelle a été nommée notre hôtesse...). Kutaïsi fait partie de cette ancienne région.  On dit (dans les musées ethnographiques dont regorge la Géorgie) que les habitants de Colchide, en des temps reculés, ramassaient les petites pépites d'or qui coulaient dans les rivières en y plongeant des peaux de mouton, dont la laine emprisonnait le précieux métal. Il y avait donc de vraies "toisons d'or" en Colchide. Mais il n'y en a plus.
Avant d'entrer dans la ville, nous voulions aller visiter un monastère perché sur le haut d'une colline à quelques kilomètres de la ville, et profiter de la chaleur relative de la journée pour errer au soleil.

Femme ramassant du plastique dans la rivière, Zugdidi
Vendeuse de souvenirs près du monastère, s'employant à se faire un petit feu

Il faut insister, malgré les apparences ensoleillées et la terre nue, sur la chaleur toute "relative" de la Géorgie l'hiver

Le monastère de Gelati, Kutaïsi

Gelati
En redescendant tranquillement la montagne, dans le silence béni de la campagne et l'odeur du feu de camp, on s'arrête quelques minutes pour attendre la marchroutka, assis sur nos sacs à dos. Un homme propose de nous reconduire vers la ville et, comme ça arrive souvent ici, finit par entreprendre d'organiser notre séjour à Kutaïsi dans le menu, avant de nous déposer chez Médée (Médico, par son petit nom), notre hôtesse. Après avoir rencontré un vrai "Illico" à Mestia, la rencontre avec Médico a fait germer en nous l'idée d'un "Astérix chez les Géorgiens" où Illico et ses fils Subito et Presto pourraient faire fortune en vendant du vin maison "parfumé" à la potion magique, pour combattre l(es) envahisseur(s). Mais passons. Parlons de Médico, justement. Elle n'est pas médecin, mais c'est une femme merveilleuse.
En la voyant passer la tête dans l'embrasure de la porte de son jardin, avec ses beaux cheveux blancs frisottés et son tablier fleuri, on voit tout de suite que c'est une personne particulière. Vaillante et bonne, comme sont toutes ces autres femmes vaillantes et bonnes, et il y en a beaucoup, et partout. La variante géorgienne de ce type humain est vraiment très attachante. Ses yeux disent tout de suite qu'elle a bon coeur, et sa manière de parler moitié russe, moitié anglais totalement à tort et à travers est charmante, et aussi son habitude de parler d'elle à la troisième personne, à travers le regard des étrangers qui ont l'air de beaucoup l'intéresser et de l'amuser énormément. "Les Japonais, oh! les Japonais ! Hi hi hi ! Ils me disent: "Médico ! Médico! Merci merci merci !" et elle les imite en riant, en penchant la tête. On lui dit qu'on l'a trouvée grâce à notre guide de voyage, qu'elle appelle le "Louneli planett", et elle est contente. Son "auberge", c'est en fait sa maison, aux dimensions d'un 4 et demi, et dont l'une des chambres (pas très grande, d'ailleurs) est transformée en dortoir où s'alignent une dizaine de petits lits simples à ressorts. C'est l'hiver, nous sommes les seuls clients. Elle sort tout de suite ses immenses pots de "kompott", une sorte de jus fait à partir de fruits qui macèrent au fond. Des mûres qu'elle a cueillies elle-même (il y en a un bon 8 cm d'épais dans le fond du pot), des "cerises" rouges (on n'a pas réussi à identifier l'autre fruit, délicieux) empotées pour les mois d'hiver. Le dortoir et la salle de bain ne sont pas chauffés, tout comme sa cuisine d'ailleurs, où elle passe des heures à nous préparer, à nous ainsi qu'à son mari et à son fils, la meilleure cuisine géorgienne qui soit. Des "khinkhali" (des gros raviolis fourrés à la viande aux herbes, avec du bouillon à l'intérieur), des salades de légumes, du "tkemali" maison (sorte de ketchup aigre aux prunes de son jardin), un borstch fumant, du sulguni (fromage salé géorgien) ... Elle est là, au bout de la table, à l'affût, et dès qu'on prend une pause pour souffler, elle nous chuchote, avec tendresse et fermeté : "Kouchaïtié, Kouchaïté, davaïte", ce qu'on peut traduire par "Je vous en prie, mangez, mangez, allez". Son mari Sulikho monte de sa cave, où ses tonneaux de vin maison l'occupent considérablement. Il sort les cornes à boire traditionnelles (qu'il faut vider parce qu'elles sont impossible à poser sans en renverser le contenu),

Démonstration a posteriori
le blanc, le rouge, la tchatcha, fait des toasts "à l'amour"en nous prenant par le coude, ou essayant d'embrasser Médico, que le petit jeu amuse et exaspère, probablement depuis des dizaines d'années. "Ah! Ça commence ! À chaque fois qu'il boit du vin, il se met à faire des toasts à l'amour à chaque minute, et il me poursuit avec ses "Je t'aime Médico ! Embrasse-moi Médico!" Ah là là là, big problem!" dit-elle en souriant, avant d'ajouter : "Les Japonais disent toujours "Médico, Médico, no big problem ! Good problem !" Sulikho est mort de rire, et essaie de lui faire avouer qu'elle l'aime quand même. "Ohhhhh, je ne suis plus comme le jeune homme que j'étais ! Regardez-moi ça ! (il nous sort des vieilles photos en noir et blanc, avec nos deux hôtes dans la fleur de la jeunesse) Hein, Médico, dans ce temps-là, tu disais pas "big problem" ! (Il essaye de lui voler un baiser, et elle se défend avec sa corne, ou avec une fourchette) "Un toast à l'amour ! Je t'aime Médico !", et il descend joyeusement une autre corne de vin blanc. Le portrait doux-amer de ce couple adorable et usé est tellement tendre, tellement authentique. On n'en revient pas, d'être assis dans leur salon, à s'échanger à tour de rôle la place près du radiateur au gaz, à parler, manger, boire avec eux, comme si on était des amis attendus. La conversation est fluide, facile, sans fausses manières. On parle du tourisme, de leur vie, de la Géorgie, de leurs années difficiles. Médico nous explique pourquoi elle boite (on la voit traîner sa jambe et grimacer quand elle se lève, à chaque 10 minutes, pour rapporter quelque chose de nouveau de sa cuisine). Elle était danseuse dans un ensemble folklorique (pas des blagues !). Sulikho était tailleur (il dit "designer", lui). Elle dansait, il taillait, ils ont eu deux enfants, dont la plus jeune, la jeune fille, s'est fait enlever à l'âge de 14 ans par un homme qui la voulait pour femme et qui a jugé plus commode de l'enlever que de faire sa demande. Devant nos yeux écarquillés, elle explique que c'est triste, oui, mais qu'à l'époque, c'était des choses qui arrivaient, qu'il n'y avait rien à faire après, qu'il fallait la laisser vivre dans la maison de cet homme-là, qui nous l'avait enlevée alors qu'elle était plus ou moins encore une enfant. Mais que maintenant ça va, elle vit bien, elle a des enfants, elle vient rendre visite... Ça, c'est un des coups durs.
L'autre, c'est la hanche de Médico. À la chute de l'URSS, la Géorgie s'est retrouvé dans une misère noire, avec presque toute sa population sans travail, les usines qui ne fonctionnent plus et, surtout, la corruption qui s'installe, la violence, l'insécurité, les villes sans électricité où on ne peut plus sortir le soir. Médiko et Sulikho ne pouvaient plus gagner leur vie, ils avaient des enfants, il fallait trouver quelque chose. Ils sont passés illégalement dans le Caucase russe, pour travailler au marché comme vendeurs de légumes. Ils survivaient, envoyaient de l'argent à la soeur de Sulikho qui était restée en Géorgie avec les enfants. Un petit matin, au marché, Médiko arrive, les bras et le dos chargés de produits à vendre, glisse sur une plaque de glace, se casse la hanche. Elle n'est pas soignée en Russie, parce qu'elle travaille illégalement là-bas, qu'elle est sans papier (dans un pays qui n'est plus le sien que depuis quelques mois). De retour en Géorgie, des soins approximatifs la laissent à moitié éclopée. Ça fait plus de 20 ans, ça n'a jamais guéri. On lui a proposé, récemment, de tenter une nouvelle opération, mais elle a peur. "Et qui va s'occuper de l'auberge pendant ma convalescence ? Non, je ne peux pas. Je préfère continuer avec le mal." Tout ça dit tout simplement, à moitié pour se confier, à moitié pour montrer que sous le vernis de la babouchka-dans-sa-cuisine, il y a une danseuse professionnelle qui, un jour, s'est fait briser les os par les gros sabots de l'Histoire.
La soirée tire à sa fin, et Médiko me propose de me "faire griller" une dernière fois près du radiateur avant d'aller me coucher dans la chambre non chauffée. Je m'endors sous une pile de couvertures agréablement lourde, dans le creux des ressorts, en faisant de la buée.

                                                          ****

Lendemain après-midi, départ pour la ville de Borjomi, ancienne ville de repos pour les nobles russes qui avaient besoin d'air pur, d'eau minérale et de soleil pour soigner leurs pauvres nerfs. Le sentiment, plus fort que jamais, d'être hors saison, nous prend lorsqu'on tente de visiter le "fameux" parc des sources minérales aux alentours de 11 heures du soir. Autour du tuyau qui laisse couler l'eau chaude et pétillante des sources thermales, dans le noir, avec le gardien du parc qui nous accompagne pour se désennuyer, je me dis que ça passerait bizarre dans une brochure touristique. "Faites trois heures de trajet à partir d'une ville où il n'y a pas grand' chose à voir, dans un mini-bus bondé qui sent le pot d'échappement, conduit par un adepte des dépassements dans les courbes en montagne, et allez boire un verre d'eau tiède pétillante dans un parc désert à Borjomi !" Vive la Géorgie ! C'est parfait comme ça.

On finit par se rendre dans le bas Caucase, dans la région de Vardzia, à quelques kilomètres seulement de la Turquie, dans une région majoritairement peuplée par des Arméniens. C'est déjà l'Orient ici, l'Orient comme on l'imagine avec les épices, la fumée bleue, les tapis, l'herbe sèche et jaune.
Le minaret d'Akhalsikhe

Akhalsikhe

Les montagnes sans végétation et la couleur du ciel me rappellent le désert du Maroc, en moins habité. Notre moustachu et allègre chauffeur de marchroutka nous dépose chez une de ses connaissances, Thomas, qui vit sur une fermette avec sa femme Tina et deux beaux chiens blancs. Comme d'habitude quand on arrive chez de nouveaux hôtes, c'est l'après-midi, il faut boire le café turc bien amer et "manger un petit quelque chose". Tina sort les petites crêpes et la confiture de pêche (je n'ai plus besoin d'ajouter que tout est fait maison, à partir des produits qu'ils tirent eux-mêmes de la terre, avec l'aide du soleil présent 300 jours par an) pendant qu'on discute un peu avec Thomas sur le bord du poêle à bois, dans la salle commune.
Puis, on part en visite aux grottes de Vardzia, à pied. Il s'agit en fait d'une ancienne forteresse construite à flanc de montagne, dans la pierre, et qu'un tremblement de terre a dénudé de telle sorte qu'on peut apercevoir, à même la falaise, les anciennes salles sculptées dans la pierre.




Et c'est le lendemain, après une agréable soirée suivant le thème habituel des délicieuses et trop copieuses préparations maison, du vin blanc et des discussions en russe près d'un poêle,

Tina et Julien, le soir

Le fameux "khachapuri"
et après avoir visité la ferme et fait le tour des installations dont s'occupent nos hôtes,



que nous sommes partis dans la montagne, à Tmogvi, où "survint une avarie".

Nous étions au bout de notre ascension, presque aux ruines de la forteresse de pierre qui s'élève au sommet, quand Julien, aux prises avec un sentier étroit et escarpé, saute et se casse la cheville.

Avant l'événement

Sourire plein de courage après l'événenement
 Il fallu rebrousser chemin, et, vu l'impossibilité de descendre côte à côte à cause de la difficulté du chemin, il fallu que Julien descende en araignée, la jambe en l'air, puis en marchant sur son pied jusqu'à la première ferme rencontrée.

Nous sommes accueillis, bien sûr, avec beaucoup de gentillesse chez les fermiers où nous allons demander de l'aide. On nous assoit près du poêle, on nous offre du thé et des pommes. Le "vieux" de la famille s'assoit avec nous et nous entretient pendant que la maîtresse de maison fait un bandage à la cheville de Julien, avec du sel et un tissu imbibé de liqueur forte aux fruits. Le mari de cette femme revient au bout d'un moment de son travail et nous ramène chez nos hôtes en voiture. Quelques heures plus tard, la marchroutka repasse. On repart vers Gori, puis Tbilissi, puis Moscou...
Et nous voilà de retour, "à la maison". Moscou, les cours, le travail, la langue russe comme langue d'étude. Moscou, c'est le vrai défi.

On s'en reparle bientôt !

Élise

lundi 24 février 2014

"Avoir la couenne dure et être à fleur de peau" - Intermède

Dans Le Devoir du samedi 22 février, il y a une critique du livre de Nicolas Lévesque et Catherine Mavrikakis intitulé "Ce que dit l'écorce". Il s'agit d'un essai à quatre mains qui apparemment aborde le rapport aux autres, ce qui relie la bulle du moi avec "le monde" plus ou moins extérieur, plus ou moins carnassier. La peau est donc l'image de cette paroi poreuse, mais essentielle, qui nous relie aux autres par petits interstices, nous protège aussi.
Je n'ai pas lu l'essai, mais l'ami Christian note dans sa critique une phrase qui me fait de l'effet, l'effet après lequel courent beaucoup de littéraires je crois, et qui est le sentiment d'être compris, d'être confirmé dans sa représentation du monde par les mots, bien choisis, bien alignés et, justement, trouvés hors de soi, les mots d'un (bon) écrivain qui résument notre expérience, nous forcent à l'admettre et nous permettent de la partager : "Le défi ultime consiste à apprendre à concilier ces deux exigences: avoir la couenne dure et être à fleur de peau." Comme les Géorgiens (et les apprentis passeurs de rites), je pourrais lancer un puissant : "HO!" pour signifier mon accord (géniale formule qui résume en un son toute la gamme des : oui, je suis d'accord, j'ai compris, j'écoute, je me représente la situation, en plus d'être agréable à prononcer et de permettre une saine et profonde expiration). Si Jakobson suivait mon blog, il pourrait sans doute nous indiquer à laquelle des fonctions de son schéma il faut associer le "HO !" mais, vu son absence, je me risquerais à dire, et les linguistes me corrigeront : fonction phatico-poético-expressive...
Bref, c'est ça. À bien y penser, il me semble que c'est ça, que c'est à ça qu'il faut tendre. D'abord, avoir la couenne dure. S'il y a une chose que la Russie m'a permis de comprendre avec limpidité, c'est qu'il est bon de s'endurcir la couenne. Les Russes sont tough, dans tous les sens du terme, je me permets de le dire. Tough, aux sens de robustes, vigoureux, acharnés, expérimentés, endurants. Aux sens de difficiles, sévères, pénibles aussi. Et c'est un des grands traits qui nous distinguent, profondément. Car les Québécois, en tant que peuple, sont pas mal chochottes, si je peux me permettre. Moi incluse, au premier rang, d'ailleurs. Ç'en est même parfois drôle, avec le recul. On s'imagine toujours que les gens vont nous plaindre, au moindre incident. Quand survient une avarie (ils disent ça de même, en russe, et pourquoi pas en français aussi!), on se fait un plaisir de la raconter, dans les détails, avec le plus de jus possible, pour se plaindre et pour en rire, mais surtout parce qu'on considère ces événements comme des bouleversements dignes d'être mentionnés. Advenant le cas, par exemple, où on resterait prisonnier d'un ascenseur durant une petite heure dans une résidence universitaire considérablement déglinguée. Comment le Québécois moyen réagit-il ? Il prend des photos, exagère la situation (souvent pour la tourner en dérision par la suite, mais ça c'est quelque chose, comme un mécanisme d'ajustement secondaire, je crois), raconte l'anecdote sur son blog de voyage, raconte l'anecdote à ses compatriotes étudiants, prend plaisir à affirmer qu'il est "déjà resté pogné dans cet ascenseur-là" à tous les nouveaux qui font des remarques sur son aspect peu invitant.
Lorsque la porte de l'ascenseur s'est ouverte, honnêtement, (parce que oui, à vos frissons! C'est vraiment arrivé!) on s'attendait à quelque chose comme une escouade d'ambulanciers, un comité d'accueil, des couvertures chauffantes pour traiter l'état de choc, une vodka, je sais pas, quelque chose pour souligner le martyre, l'épreuve, le désagrément traversé avec (trouvions nous) courage et stoïcisme (vu LES CIRCONSTANCES ! quand même !). Non, personne. La babouchka du premier étage n'avait pas bougé ses fesses du vieux divan en cuir brun de l'entrée et regardait toujours son sitcom russe à volume élevé. C'est tous seuls, comme des grands qu'on a remonté l'escalier en "se remettant de notre aventure" et, croyez-le ou non, on a senti le besoin de spécifier à la dame qui descendait l'escalier que, au cas où elle se le demanderait, c'était NOUS qui étions restés pris dans l'ascenseur (pour éviter qu'elle s'inquiète, j'imagine). Et elle nous a répondu : "Ah. Bon. Et maintenant, tout est normal ?" C'est tout.
Admettons, encore une fois, que quelqu'un se casse la cheville en descendant une pente abrupte, en pleine montagne. Plâtré jusqu'au genou, il sort péniblement de sa chambre de résidence, empêtré dans ses béquilles. Première rencontre avec les nouvelles voisines d'en face, deux russo-allemandes fraîchement débarquées. "Je me suis cassé la cheville!", explique le jeune Québécois, sûr de son effet, tenant le sujet de conversation idéal (les avaries!). Réponse: "Ah! Bon. Ben, tu vas survivre." C'est tout.
Admettons, encore, qu'il fasse froid. Les Russes ne pratiquent pas la météo comme sport national. Il fait froid, ils ont froid, point barre. Ils ne rajoutent pas cinquante mille facteurs aggravant pour atteindre des chiffres plus impressionnants dans le négatif ("au milieu du fleuve en plein vent la nuit pas de tuque, il a fait moins 60 hier !!!") et ils n'ont pas de très bonnes bottes. Ils ont juste froid, mais c'est normal, et ils n'en parlent pas.
Admettons que des circonstances, quotidiennes ou extraordinaires, les amènent à s'éloigner pendant plus de 6 heures de leur frigo. Ils ne s'amènent pas de barre tendre, de pomme, de petites collations au cas, de bouteille d'eau, de boîte à lunch avec un IcePak par compartiment. Il se peut qu'ils aient faim. Ils mangeront plus tard. C'est tout.
Et ils endurent tout: l'inconfort, les portes qui grincent, qui claquent, le tapis humide qui pue, les trottoirs glacés, les flaques éternelles, les machines distributrices hors d'usage, les portes de four pas de poignée, 290 jours de ciel gris en ligne, la foule, la file interminable, l'absence du professeur, le changement d'horaire, le changement de local, la rupture de stock, les pièces mal chauffées, les pièces surchauffées, le métro à 110 décibels, les trous dans le trottoir, les tourniquets qui coincent, les surveillants au regard torve, les petits pains mous fourrés aux patates grises, les légumes pourris dans les étalages d'épicerie, les éternels détours, portes barrées, imprimantes pas de papier, and so on. Assez pour faire jaser un Québécois jusqu'à la fin des temps. Assez pour qu'on trouve notre vie difficile, assez pour se plaindre, pour soupirer, pour utiliser des mots comme "l'enfer". "C'est l'enfer! C'est insupportable!"  Leur enfer à eux (et à d'autres), c'est la guerre civile, l'exil forcé, la famine, 26 millions de morts en 3 ans. Mais ça, c'est un autre sujet.
J'admire chez les Russes cette endurance, cette indifférence aux petits désagréments de la vie quotidienne (dont ils sont en grande partie tous responsables, mais continuons pour le moment dans la louange), cette résistance aux besoins physiques et matériels, et la vigueur qu'ils ont, malgré tout, le cran, l'énergie. Leurs préoccupations morales, intellectuelles, esthétiques, qui dominent à travers tout ça, comme pour faire mentir Maslow. Je me rappelle ce que me racontait mon amie Nina, qui avait participé à un stage de formation d'acteurs avec une metteure en scène russe elle-même formée par Meyerhold. Du matin au soir, ils répétaient, répétaient, travaillaient, et pour se rendre jusqu'au soir, que du thé noir et des petits biscuits secs. Mais on ne pense pas à ça, quand on travaille sérieusement. Comme Marina Tsvétaïéva, comme bien d'autres, qui traduit Pouchkine et écrit de la poésie alors qu'elle n'a rien à manger, que sa maison n'est pas chauffée. Comme leurs messes, aussi. 2 heures debout, pas de bancs dans leurs églises, à se faire sermonner en slavon d'église, une langue que personne ne comprend. Mais on ne se plaint pas, quand on croit. Nous, on ne croit pas. Et on chiale. Je dis ça gentiment, je vous jure.
Donc, voilà. Au début, je me révoltais contre cet endurcissement forcé de la couenne qu'il me fallait subir en Russie. Et je trouvais aussi qu'en soi, s'endurcir la couenne n'était pas un objectif bien glorieux. Je me disais que s'endurcir, c'était se rendre indifférent, c'était se fermer, c'était, comme on dit chez nous, se créer une carapace. On ne voyage pas pour se former un exosquelette, pour abaisser notre degré de porosité à l'extérieur. Au contraire ! Je me disais ça. Je me disais qu'elle est triste, leur carapace, que c'est une cicatrice, en fait, et qu'elle défigure leur humanité.
Mais, comme toute surface lisse et non-poreuse, cette carapace leur donne de l'impulsion. Elle leur permet de glisser sur la surface rugueuse des jours et des mois, et de ne pas rester pris à chaque instant dans chaque instant, dans chaque accroc, dans chaque épine. Elle leur permet surtout de s'élever, en tant que nation, au-dessus des contrariétés constantes et des empêchements éternels au confort et à la "belle vie", et de faire des coups d'éclats à la russe, en art, en musique, en science, en littérature, en révolution socio-économique et en folie meurtrière. Ce sont des anti-jouisseurs, des anti-épicuriens, des anti-dolce vita, des gens entiers, obstinés, excessifs, durs, orgueilleux, créatifs, cérébraux et romantiques. Ouais. Si on me le demandait, je dirais ça, des Russes.
Donc admettons, admettons qu'en les fréquentant, j'admette (moi aussi) la nécessité et la beauté de la couenne dure. Je regrette quand même l' à fleur de peau. On a chacun notre degré de tolérance. Les personnages de Réjean Ducharme, eux, frôlent le zéro en ce domaine. Tout les atteint, tout les massacre, ils voient toute la beauté et toute la misère qu'il y a en eux et autour, et ça les tue. Moi, les rues de Montréal et de Québec ne me font pas cet effet-là. Mais Moscou ! Moscou demande plus de couenne. Mais si c'est au prix de la douceur, du silence, de l'ouverture naïve et spontanée ? S'il faut s'endurcir la couenne pour se fondre dans cette société-là, comprendre cette société-là, comment faire pour garder la bonté et l'ouverture qui nous permettrait de l'aimer ?
J'en suis là.



samedi 22 février 2014

Saqartvelo 2 - Tbilissi


La dernière fois, je pense que nous nous étions laissés à peu près ici,


dans les montagnes près de Mestia. Avant de nous rendre dans cette région reculée de la Géorgie, nous avions déjà passé cinq jours dans la capitale, la ville de Tbilissi. La capitale géorgienne est, selon ce que nous avons pu constater, la seule grande ville du pays. Elle compte 1,1 million d'habitants, sur 4,5 millions d'habitants au total en Géorgie. Malgré tout cela, il y a encore des poules qui se promènent librement dans des rues situées à peine à l'extérieur du centre-ville, et des feux de branches allumés un peu partout qui donnent une bonne odeur automno-champêtre à la ville.

Policiers se chauffant la couenne et voiture-café en fond
La "voiture-café" que je désigne dans la légende de la photo ci-dessus, c'est la camionnette aux portes arrières ouvertes qu'on aperçoit au fond. À Tbilissi, on en voit assez souvent. Quelqu'un s'achète une bonne machine à espresso, du lait, du sucre, installe le tout à l'arrière de sa voiture, va se stationner au centre-ville, ouvre sa valise de char et hop ! on fait concurrence à Starbucks sans payer de loyer !
C'est une ville qui évoque toutes sortes d'associations - Aix pour les platanes, le centre-ville piéton, l'hiver des pays du Sud ; Rome pour le voisinage des ruines avec des édifices à l'architecture ultramoderne ; Vientiane pour le calme, le charme désuet, l'esprit campagnard - mais en fait, Tbilissi me surprend énormément. Voilà un genre de ville que je n'avais jamais vu avant. Construite sur les deux côtés d'une vallée, autour de la rivière Mtkhvari, Tbilissi est mystérieuse, orientale, distinguée, luxuriante, à moitié en ruines, avec des relents d'époque soviétique qui lui donnent un je-ne-sais-quoi de théâtral et mélancolique. Sur un des flancs de la vallée, au sommet, se dresse dans la brume une forteresse d'allure orientale. Le quartier qui y mène, avec ses ruelles pavées, ses escaliers, ses recoins, ses points de vue, ses jardins, ses balcons ouvragés suspendus au-dessus du vide, fait beaucoup penser à Grenade aussi, tout aussi abrupt et magnifique. De l'autre côté, lui faisant face, s'élève une toute nouvelle cathédrale, monumentale et amoureusement illuminée. Les Géorgiens, orthodoxes eux aussi, semblent encore plus pieux que les Russes. Visitant une église le soir de notre arrivée, nous avons dû nous frayer un chemin parmi la foule qui se massait autour des icônes, et nous nous sommes involontairement fait arroser d'eau bénite par un prêtre à longue toge et barbe noire. Le centre-ville, assez petit, se visite facilement en trois jours, en prenant son temps.
Alors, pourquoi sommes-nous restés 6 jours à Tbilissi ? (D'abord 4 et demi, puis un et demi à la fin...)
La beauté de la ville, certainement. Mais surtout, l'ouverture, la gentillesse de nos hôtes, Maïa et Aleko.



Se faire accueillir avec un sourire, d'abord. Un SOURIRE. Avant même qu'on montre nos papiers, qu'on s'explique, qu'on démontre nos droits et qu'on invoque la clémence pour l'étranger loin de son foyer. Juste normal, juste de même, un sourire. Ah ! Ça vaut de l'or.
"Come in ! Come in ! So, where are you from ?" nous demande Maïa dans son anglais parfait (seul exemple recensé dans toute la Géorgie). Nous, on se dit: se trouvant dans un pays dont on imaginait à peine l'existence il y a deux ans, on va rester dans les généralités de notre bord aussi. On répond: "Canada". Aleko, qui était resté assis sur le bord du foyer pour fumer, se retourne alors et nous regarde au-dessus des verres de ses lunettes, avec suspicion : "From Canada, or from Québec ?" Il n'en fallait pas plus pour gagner notre coeur.
C'est ainsi qu'on a passé notre temps assis dans la cuisine, assis sur le bord du foyer (délicieusement réconfortant vu l'inefficacité générale du chauffage dans le pays), assis dans le salon, entre nos nombreuses et longues marches dans la ville et dans les environs. Aleko, avec qui il a fallu rapidement "switcher" au russe pour pouvoir discuter, nous décrit avec enthousiasme, avec amour, avec rêverie les différentes régions de la Géorgie qu'on peut visiter, nous raconte leur beauté, leurs caractéristiques (à les entendre, les Géorgiens, ils habitent dans un pays où on change de culture à chaque 30 km), nous conseille, nous étonne par les récits de son passé de géologue-alpiniste. Il prend aussi plaisir à nous faire boire son vin, produit sur sa terre dans la région de Khakheti, la plus renommée en Géorgie pour la production de vin.
Maïa, elle, me fait beaucoup penser à ma tante Suzy. Son caractère ouvert, relax, rêveur, un peu hippie, son goût pour la discussion, pour la peinture, sa manière de bouger les mains, presque tout ! Ça fait drôle de trouver des ressemblances si frappantes entre deux femmes provenant de cultures aussi éloignées. Ça rassure. On se dit (parce qu'on a des doutes, des fois, quand même): oui oui, au fond, oui, c'est possible de se rejoindre, c'est possible de s'entendre, de se comprendre, même d'aussi loin. Grande vérité maintes fois répétée et re-confirmée par votre correspondante: il y a toutes sortes de monde dans toutes sortes de pays qui sont bien différents les uns des autres. Voilà. Vous savez tout.
Étant de grands gourmands et passionnés de cuisine géorgienne depuis notre premier voyage en Russie, Julien et moi voulions trouver une école de cuisine à Tbilissi, pour prendre un cours d'une journée. On demande conseille à Maïa qui, accotée sur le bord du comptoir avec sa tasse de café fumante (l'air est froid, ne l'oublions pas), nous répond: "Why ? I can show you. Just buy the ingredients !" On a donc le lendemain une liste d'épicerie écrite en géorgien dans les mains, et on part avec Aleko vers le "bazar" (parce que c'est encore au marché que les Géorgiens achètent leurs aliments, pratiquement tous issus du pays). Il pleut, il neige, on patauge entre les étals de nourriture, les flaques, les piles de détritus. Pour chaque aliment, Aleko nous amène à un stand différent. "Ici, ils ont de belles fines herbes. Mais pour les légumes, on va aller là-bas." Pour les noix, ici, pour les épices, ailleurs. Se sont les Azeris qui vendent apparemment les meilleures herbes. Et Aleko argumente, et goûte, et se fait sortir les bottes d'épinards les plus fraîches. C'est merveilleux.
Sacs de noix et "barres tendres" faites de noix de Grenobles enrobées dans un genre de caramel de pectine de raisin (si ça existe). 



Collier de fleurs de safran

Après 4 heures de cuisine et de prise de notes intensive, on s'assoit avec Maïa et Aleko devant ce festin géorgien:

À gauche, le pain "lavash", la pâte d'épinard à l'ail, aux oignons et aux noix de Grenoble. Au centre, le "baje", poulet grillé en crapaudine avec sauce froide aux noix (l'huile visible sur le dessus est l'huile extraite des noix de Grenoble, pressées à la main par Maïa...). À droite, des aubergines grillées avec pâte d'ail, coriandre et noix. Hors de la photo: le "romi", un genre de pain de maïs élastique fourré au fromage fumé. Et bien sûr, le vin rouge d'Aleko!
Mais on n'a pas seulement jasé, bu et mangé à Tbilissi, non non non. On est allés au théâtre de pantomime, dans un édifice glauque de la très haussmanienne avenue Rustaveli, au centre-ville. La salle, mal éclairée et embaumant la pisse, est toute petite et remplie à moitié par des étudiants au look branché et vaguement hipster. Deux fois par semaine, la troupe présente un spectacle de pantomime. Celui que nous avons vu était constitué de courts tableaux à 1, 2, ou 5 personnages, tantôt comiques, tantôt lyriques, mythologiques ou vaudevillesques. C'est cool.
On est aussi allés voir le théâtre de marionnettes en dessous de la charmante "tour de l'horloge".

Billetterie du théâtre de marionnettes
On est allés au musée ethnographique, visiter dans la brume la reconstitution de vieilles habitations traditionnelles géorgiennes des différentes régions du pays.


À l'avant-plan, les "quevris", grands vases en terre cuite enfouis dans le sol et utilisés pour faire le vin selon la méthode géorgienne

Intérieur de l'habitation traditionnelle
On a marché, on a écouté du jazz, on a bu au soleil,









on est allés au musée, on est allés aux bains, on a viraillé, et... on est partis voir le reste de la Géorgie. Notre premier arrêt, vous le connaissez déjà : c'était Mestia. En redescendant des montagnes, on s'est rendus à Kutaïsi, dans la région qui anciennement était la Colchide, et on a même été hébergés par une certaine Médée...

Mais ça, ce sera dans le prochain épisode !

Paka paka!

lundi 17 février 2014

Saqartvelo 1 - Svaneti

Grand Caucase, en route vers Ushgouli

Il y a deux ans le nom "Géorgie" évoquait pour moi (et encore, plutôt vaguement) un État américain à propos duquel, d'ailleurs, je ne connais strictement rien, et que j'aurais placé au Sud des États si on m'avait posé la question, mais sans grande certitude.
Aujourd'hui, 17 février 2014, je sais que la Géorgie (eux, ils appellent leur pays "Saqartvelo") est un pays à la culture millénaire, qui a non seulement des frontières politiques, mais une langue, plusieurs ethnies, un alphabet, un peuple étonnant. L'exil en Russie permet un décentrement qui redessine la carte du monde. Moscou, comme nouveau centre,  pointe vers des "ailleurs" qui ne sont pas les nôtres. La Géorgie en fait partie. Petit pays enclavé entre la mer Noire et la mer Caspienne, au point de jonction entre la Russie, la Turquie et l'Iran (des voisins qui ont tendance à forger le caractère d'un peuple et à développer sa résilience), à côté de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan, dans les montagnes du Caucase.
Oh! que le monde est grand à la clarté des lampes, comme dirait Baudelaire (et il ajoute : "Aux yeux du souvenir, que le monde est petit !", mais je ne le suivrai pas dans cette direction). Il y a encore des peuples dont on soupçonne à peine l'existence. Vue de proche la Terre est vraiment très vaste, et plus je voyage, plus je m'étonne de sa diversité. Comme souvent, les connaissances acquises mettent en lumière la faramineuse ignorance qui leur est associée. On ne s'en sort pas.

Mestia

Je voudrais introduire mon sujet, comme il se doit quand on est en Russie, par une citation de Pouchkine. "Ne me chante pas, ma belle / Ces chants de la Géorgie, tristement / Ils me rappellent une autre vie, un rivage lointain."
Ce poème a été mis en musique par Rachmaninov, et je vous en propose l'interprétation du sympathique chanteur russe Piotr Nalitch :
http://www.youtube.com/watch?v=VqsmpCZaIvM
("Ne les chante pas, ma belle, ces chants de la Géorgie...")
Soit dit en passant, entre parenthèses, ce chanteur d'opéra fait également partie, "sur le side", d'une "communauté musicale" qui fait de la musique populaire, et notamment des chansons humoristiques en faux-mauvais-anglais telles que "Guitar" : http://www.youtube.com/watch?v=AOzkN8dHnjk. Je vous en conseille vivement l'écoute. Je referme la parenthèse sur Nalitch...

De retour à notre petite chambre moscovite après deux magnifiques semaines de voyage et, surtout, après une arrivée pour le moins éprouvante à Moscou, Julien s'est souvenu que Paata Chartolani, un de nos hôtes en Géorgie, (le voici, devant ses pommiers)
Paata Chartolani, un Svane, à Mestia

avait enregistré sur notre clé USB quelques chansons traditionnelles géorgiennes, des chansons omniprésentes qui ont chacune joué au moins une fois dans toutes les marchroutki que nous avons empruntées pour parcourir le pays.
(Une marchroutka, c'est un petit autobus, c'est le moyen de transport principal en Géorgie, et ça ressemble à ça.)



Comme pour Pouchkine après son exil dans le Caucase, les chansons géorgiennes que nous avons transportées en Russie nous ont rendu bizarrement et intensément mélancoliques, comme si c'était, comment dire, la voix enregistrée d'un vieil ami disparu, qui appartient à un monde révolu et idéalisé. Quel pays, à vous rendre nostalgique seulement trois jours après l'avoir quitté!

Balcon couvert à Tbilissi

Qu'y a-t-il donc en Géorgie ? Comme je l'ai rapidement mentionné, surtout beaucoup de montagnes. La chaîne de montagnes du Grand Caucase et celle du Bas Caucase sillonnent le pays, et il n'est pas un endroit en Géorgie où on n'aperçoit un sommet, une crête, un pic enneigé à l'horizon.

Région de Kutaisi


Région de Vardzia, à quelques kilomètres de la Turquie

Tmogvi, région de Vardzia

Je vais décrire dans le désordre.
Après quatre jours à Tbilissi, la belle capitale, on prend un train de nuit troisième classe pour Zugdidi, presque à l'autre bout du pays. On descend du train, il est 6h du matin, il fait nuit. Un petit homme ridé, en veste de cuir, vient à notre rencontre. "Mestia ? Paata Chartolani ?" C'est le chauffeur de la marchroutka qui nous mènera chez Paata, qui vous a déjà été présenté. Notre hôte à Tbilissi, Aleko, nous avait organisé une pension à Mestia, une petite ville, ou plutôt un village, perché dans les montagnes, dans la région de Svaneti. Svaneti, pour les Géorgiens, tient un peu le rôle d'une forteresse. Le village est tellement reculé, enfoncé dans les montagnes, qu'il leur a servi, lors des nombreuses invasions (perses, turques, russes, arabes, etc.) qu'ils ont subies, de refuge culturel. Là, on a envoyé les trésors de la Géorgie, les objets précieux, les icônes, pour les préserver de la destruction et du pillage. Auparavant pratiquement inaccessible, Mestia est maintenant reliée à Zugdidi par une route toute neuve, à flanc de montagne.
Notre chauffeur nous livre chez Paata vers midi. La neige, l'air froid, le ciel bleu foncé, presque mauve, le soleil aveuglant. Nous entrons chez Paata où, suivant l'habitude géorgienne, seules les pièces habitées en permanence sont chauffées. Les couloirs sont glaciaux, la salle à manger à peine tiède. On peut voir la buée créée par notre respiration. La salle à manger donne sur la salle commune de la famille, où un poêle à bois sert de cuisinière et de source de chauffage. La femme de Paata, très effacée, nous sert des "khachapuri" (tartes au fromage salé) avec du thé, des confitures, de la tchatcha (alcool fort à mi-chemin entre le cognac et la vodka). Ça restore. Le thé et les khachapuri fument sur la table, tout est frais, fait maison avec les produits de leur terre, avec le lait de leurs vaches, avec les fruits qu'ils ramassent l'été. C'est la cérémonie des toasts, Paata devient solennel. À nos parents (il verse de l'alcool sur le sol, pour ses parents décédés). À la paix ("On a eu assez de guerres. Assez."). Aux montagnes de Svaneti.

Le lendemain. Nous sommes en route avec Paata vers Ushgouli, le village habité à l'année situé le plus en altitude de toute l'Europe. La route est en partie fermée à cause des chutes de neige et des avalanches, mais nous avons décidé de faire cette partie du chemin (10 km aller-retour) à pied. Chansons svanes, villages à peine visibles au creux des vallées. Les tours svanes, en pierre, s'élèvent partout. C'est un vestige du temps des "vendettas", où chaque famille-clan construisait sa tour de protection pour pouvoir se défendre en cas d'attaque. Elles pullulent: les Svanes ont apparemment le sang chaud, assez pour s'assassiner entre voisins au moindre écart de conduite, à la moindre atteinte à l'honneur. Ces tours, bien sûr, étaient aussi un symbole de la prospérité de la famille, de son importance dans le village, et elles servaient le plus souvent à se défendre contre des envahisseurs venant de l'extérieur. Mais quand même...

Mestia et ses tours

Ushgouli

Après quelques oeufs durs mangés au soleil avec une salade de chou et noix (notre lunch préparé par notre hôtesse), on aborde la partie "randonnée" de notre journée. On passe près d'un village, Paata laisse tomber: "Ici, l'an dernier, 27 personnes sont mortes en une nuit, dans une avalanche. Le village est décimé. Regardez, on voit encore la trace de l'avalanche." On avance tranquillement dans la neige, dans une vallée tellement étroite par endroits qu'elle fait penser à une crevasse, en suivant la route. Le soleil est tellement chaud qu'il nous brûle le visage, la blancheur de la neige est aveuglante, l'ascension va bon train. À notre arrivée à l'entrée du village, des chiens de bergers nous "accueillent", en petite meute bien menaçante. Paata nous défend avec un barreau de clôture, levé bien haut, et des paroles susurrées aux chiens qui jappent, bavent, grognent, montrent les crocs. On passe...


Le village est habité mais ne donne aucun signe de vie. Il est à l'image des montagnes: fièrement dressé contre le ciel bleu, sauvage, hostile, magnifique.

Sur le chemin du retour, une fois la camionnette dégagée



et la nuit tombée, on rencontre deux hommes arrêtés sur la route à côté d'une voiture apparemment en panne. La voiture appartient à quelqu'un qui habite dans une autre vallée, les deux hommes devaient la ramener, elle est en panne, il fait -15 degrés... Paata ouvre le capot en grognant et semble visser et dévisser quelque chose pendant que l'autre "crinque" la voiture sur le devant avec une manivelle... Nous, on regarde le tout à la lumière des phares, comme au cinéma. Leur voiture repart, et nous aussi...

Le lendemain à Mestia on visite le musée d'un alpiniste svane célèbre, Khergiani. C'était, dans le temps, l'alpiniste numéro 1 de toute l'URSS. Il a fait un film avec Vissotsky et, pour ceux qui connaissent, les paroles de la chanson "Vers le sommet" composée par le célèbre barde sont dédiées à Khergiani ("Si tu veux savoir si l'ami / Est celui qu'il prétend vraiment / Et savoir s'il a dans le sang / Du courage ou du vent / Les montagnes sont là pour ça / Vers les cimes avec lui vas-y / Dans la même cordée, liés / Tu sauras qui il est"). Pour visiter le musée il faut se rendre au bout du village, par un petit sentier enneigé.


Il faut aussi appeler la femme qui s'occupe du musée, pour qu'elle vienne débarrer la porte... Cette femme, Nazo Khergiani, se trouve à être la soeur cadette du grand Khergiani. Elle aussi alpiniste et fière Svane, elle nous fait faire la visite du musée en russe, avec beaucoup de gentillesse, de patience, et avec un amour visible pour la mémoire de son frère.

En attendant l'arrivée de Nazo, nous sommes observés par les vaches qui ne dissimulent pas leur curiosité

Devant la statue de Khergiani

L'altitude, le soleil, la marche en montagne, le froid creusent l'appétit et font bien dormir. Julien et moi développons nos théories sur la longévité des habitants des montagnes. Khergiani, lui, est mort en pleine gloire, jeune, à flanc de falaise, en aidant un alpiniste moins expérimenté. Un héros.

Le lendemain, on avale à 6h du matin un bol de porridge au lait fumant, dans la salle à manger glacée. La marchroutka repart, et nous avec. 

Je vous raconte la suite du voyage bientôt....

xx Élise